mercredi 30 juin 2010

NE PAS ÊTRE PRIS DE COURT (DE TENNIS)

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Juin est traditionnellement le mois du tennis avec les tournois de Roland-Garros et de Wimbledon, ainsi que celui du Tennis Club de Frasne.
Il y a un an, dans le procès-verbal de la séance du conseil municipal de Frasne du mercredi 17 juin 2009, on pouvait lire à la rubrique « Travaux » :

« Terrains de tennis
Depuis trois ans, plus aucune compétition n'a lieu à Frasne faute de terrain. Les matchs se déroulent à l'extérieur (Nozeroy).
Trois devis ont été reçus : pour des montants allant de 60 000 à 80 000 € HT.
· Un enrobé standard : problème de porosité du support et revêtement non agrée par la FFT.
· Un enrobé poreux (alvéolaire) : terrain très dur donc dangereux pour les articulations des joueurs.
· Un enrobé poreux à froid (mélange de béton et de gravillons avec du caoutchouc). Terrain plus souple et agréé par la FFT. Le montant du devis s'élève à 58 476 € HT.
Le Conseil Général accorderait une subvention de 26 % (environ 15 204 €).
Maurice Vanthier demande quelle serait la participation du club de tennis. Le maire répond que le club est prêt à participer financièrement.
Le conseil adopte le projet "enrobé poreux à froid" à l'unanimité. »


Quelques jours plus tard, y compris durant le week-end, l’entreprise était à pied d’œuvre pour la réfection des courts de tennis.

Tant mieux si les joueurs et joueuses de tennis peuvent pratiquer leur sport favori, mais cette décision du Conseil a, en son temps, soulevé quelques remarques.

Sans doute pour apaiser ces dernières et justifier ce choix, le 2e adjoint y va de sa plume dans le journal « Frasne, notre village » de juillet 2009 (page 10) tandis qu’un article est consacré au Tennis Club de Frasne (page 14). Trois mois plus tard, c’est au tour du 1er adjoint d’écrire dans le « Frasne infos » suivant (page 11). On sent la nécessité de justifier une décision rapidement prise et exécutée.

À la question posée par Maurice Vanthier demandant quelle serait la participation du club de tennis, le maire répond que « le club est prêt à participer financièrement. » Quelques semaines plus tard, dans le no 38 de « Frasne, notre village », le conditionnel est de mise : « Le Club pourrait lui aussi participer, soit directement ou par le biais d'équipements. »

Qu’en est-il de ces paroles et de ces écrits ? Il ne semble pas qu’il y ait eu de suite à ce sujet et que ces propos étaient plutôt destinés à calmer les esprits.

Mais le plus important n’est pas là. En effet, c’est surtout la méthode employée par le maire qui est contestable. Lorsqu’un dossier est proposé à l’approbation du Conseil municipal, il est en général présenté par le président de la séance, en l’occurrence le maire. Comme le procès-verbal de cette séance ne précise rien, le président ne peut donc être que le maire. il s’agit là d’une première erreur sur laquelle nous reviendrons.
Le procès-verbal précise que « trois devis ont été reçus ». Ces devis ne sont pas arrivés là par hasard. Une deuxième erreur est commise, car normalement, avant de présenter les devis, le maire aurait dû demander au Conseil municipal s’il était d’accord pour que les courts de tennis soient rénovés. La démocratie locale commence par là. La question posée doit être formulée de telle sorte qu’on ne puisse y répondre que par « oui » ou par « non ». Un débat aurait dû s’engager pour savoir, par exemple, si ces travaux étaient prioritaires ou non en 2009. Et c’est seulement ensuite, en cas d’accord du Conseil, que ce dernier se prononce pour tel ou tel devis.

Revenons à la première erreur du maire : il n’aurait jamais dû présenter ce dossier et encore moins participer au vote de cette décision. La raison : son épouse est la Présidente du Tennis Club de Frasne.
On pourrait même se poser la question de savoir s’il n’y aurait pas eu dans un tel cas une prise illégale d’intérêt puisque le maire préside la séance, présente les devis et vote alors que son épouse préside aux destinées du principal bénéficiaire de la décision (Tennis Club de Frasne) et que d’autres membres de sa famille font partie de ce club sportif.

Sur le site de l'Association des Maires de la Seine-Maritime, la notion d’intérêt est définie comme suit :
« La notion d’intérêt est vaste : il peut être constitué par la perception directe ou indirecte de bénéfices, ou d’avantages pécuniaires ou matériels. Mais l’intérêt peut aussi être d’ordre politique, moral ou affectif.
L’opération peut être l’attribution de travaux, un marché, une mission avec rémunération, une vente, une location, un contrat de fourniture… »


Ici, l’intérêt n’est pas d’ordre pécuniaire, mais d’ordre affectif et personnel. En tout cas, on rentre aussi dans la notion d’« élu intéressé ». Le site carrefourlocal.senat.fr précise :
Selon l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris par un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ».

Comme on peut le constater, le maire ne prend pas toujours les précautions d’usage. Être élu(e) maire exige le respect de certaines règles et ignorer l’esprit de la loi peut porter un coup à la démocratie locale. Le maire a peut-être une certaine liberté d’action, mais il doit le faire dans le cadre des textes réglementaires.
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